Depuis décembre 2019, le ministère de la Culture recommande de payer les auteurs pour une exposition de leurs œuvres. A ce jour encore, la majorité des lieux d’exposition, dont les musées et les bibliothèques, s’exonèrent de toute rémunération de l’artiste.
Pour une reconnaissance du travail artistique, le ministère propose sur son site, un barème selon différents critères. Pour les expositions en bibliothèque, sans billetterie, nous retiendrons que le minimum de rémunération est de 1 000 euros pour l’artiste d’une exposition monographique, et de 100 euros pour chaque artiste d’une exposition collective.

Il s’agit, ici, de recommandation, et non d’obligation, afin d’instaurer de bonnes pratiques en matière de rémunération des artistes. Cette rétribution est cependant nécessaire à la labellisation d’établissements ou à la demande de subvention. Mais ce n’est, heureusement, pas la fin des expositions en bibliothèque, cette recommandation du ministère permet toutefois de rappeler que toute représentation d’une œuvre doit être autorisée par l’artiste, ainsi qu’ordonné dans le Code de la propriété intellectuelle :

Article L122-1
« Le droit d’exploitation appartenant à l’auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction. »

Article L122-2 :
« La représentation consiste dans la communication de l’œuvre au public par un procédé quelconque… »

Article L131-2 :
« Les contrats de représentation, d’édition et de production audiovisuelle définis au présent titre doivent être constatés par écrit. Il en est de même des autorisations gratuites d’exécution.
Les contrats par lesquels sont transmis des droits d’auteur doivent être constatés par écrit. »

Les institutions publiques n’échappent pas à la règle et en bibliothèque, comme ailleurs, il est obligatoire d’obtenir l’autorisation d’un artiste, de son représentant ou de son cessionnaire avant d’exposer ses œuvres, même dans un but de promotion de son travail.
L’article L122-5, 8e du Code de la propriété intellectuelle, prévoit bien la possibilité de reproduction exceptionnelle pour les bibliothèques, mais uniquement « à des fins de conservation ou destinées à préserver les conditions de sa consultation à des fins de recherche ou d’études privées par des particuliers, dans les locaux de l’établissement et sur des terminaux dédiés par des bibliothèques accessibles au public »
L’exception pédagogique ne s’applique pas non plus, puisque seuls les enseignants des écoles, collèges, lycées ou universités peuvent utiliser et diffuser des extraits d’œuvres sans autorisation des ayants droits, suivant des conditions strictes et en contrepartie du versement d’une rémunération négociée à l’échelle nationale (L122-5, 3e).

Rappelons qu’en 2002, l’association Paris-Bibliothèques a été condamnée pour avoir montré, dans le cadre d’une exposition, des clichés sans autorisation de l’auteur. (arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 6 novembre 2002, n° de pourvoi : 00-21.868).

Si la plupart des auteurs seront favorables à l’utilisation de leurs œuvres dans le cadre d’une exposition non commerciale en bibliothèque, leur autorisation ne peut être négligée et les droits de représentation doivent être contractualisés, comme mentionné précédemment dans l’article L131-2 du Code de la propriété intellectuelle.

Comment continuer d’organiser des expositions en bibliothèque ?

  • Contacter le conseiller livre et lecture à la Direction Régionale des Affaires Culturelles, pour profiter de ses conseils en matière de droit, rémunération et demande de subvention.
  • Contacter l’auteur des œuvres, son agent, ou son éditeur, afin d’obtenir son autorisation (parfois sous conditions) de reproduction et de représentation pour présentation publique. Idéalement une rémunération devrait être prévue, et pourrait faire l’objet d’une demande de subvention au Ministère. Les droits de présentation publique de certains artistes sont gérés par l’Adagp ou la SAIF, il est alors possible d’obtenir une autorisation d’exploitation en ligne.
  • Dans le cadre d’une exposition de planches de BD, d’illustrations ou de textes, si l’exposition ne peut être convenablement rétribuée, il est possible de proposer à l’auteur d’être payé pour un atelier d’écriture, une rencontre ou une lecture publique. La rémunération de son intervention sera négociée en s’appuyant sur les tarifs proposés par la Maison des Ecrivains et de la Littérature, par la Charte des auteurs et illustrateurs pour la jeunesse ou par le CNL.
  • Les séances de dédicaces ne sont pas obligatoirement rémunérées, si l’auteur pense que ce type de promotion peut lui être favorable, contacter la DRAC pour obtenir le droit de vente de son ouvrage, ou faire une déclaration préalable de vente au déballage auprès de la mairie (Cerfa n°13939*01), dans un délai de 15 jours avant la date prévue.
  • Lorsque vous avez l’accord de l’auteur, ne pas oublier de le formaliser par écrit et de toujours mentionner son nom au regard des œuvres exposées.
  • La SOFIA peut apporter un financement pour des manifestations littéraires. La rémunération des auteurs intervenant lors de ces manifestations, selon des critères et des barèmes définis avec le Centre national du livre et les associations d’auteurs, est une condition absolue d’attribution. Toutes les modalités sont sur le site de la SOFIA.
  • Si aucun partenariat avec l’auteur ne semble envisageable, ne pas baisser les bras et utiliser les images du domaine public disponible sur Gallica ou aux archives, sans omettre de mentionner leur auteur et la source.

Laureline Desmaris

Pour aller plus loin :

Guide Comment rémunérer les auteurs ? par le centre national du livre.
Guides et conseils sur le site de la Fédération interrégionale du livre et de la lecture

Bibliographie

La rémunération du droit de présentation publique
https://www.culture.gouv.fr/Sites-thematiques/Arts-plastiques/Actualites-du-reseau/La-remuneration-du-droit-de-presentation-publique (consulté le 9/02/2020).

Articles L122-1, 122-2 et L131-2 et L122-5
https://www.legifrance.gouv.fr (consulté le 9/02/2020).

Les droits des auteurs sur leurs œuvres
https://www.sne.fr/editeur-et-auteur/les-droits-des-auteurs-sur-leurs-oeuvres/ (consulté le 9/02/2020).

Les exceptions au droit d’auteur
https://www.sne.fr/droit-dauteur/les-exceptions-au-droit-dauteur/ (consulté le 9/02/2020).

« Un tout petit pas en faveur des artistes plasticiens » Le Monde.fr. 13 décembre 2019.

« Vers la reconnaissance d’une rémunération du droit d’exposition pour les artistes plasticiens » Par Béatrice Cohen, Avocat. https://www.village-justice.com/articles/vers-reconnaissance-une-remuneration-minimum-droit-exposition-des-oeuvres-pour,33377.html (consulté le 9/02/2020).

photo : Espace exposition de la bibliothèque des 4 As de Belfort, Pisapia Jonathan 2011
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